Great Grand Master José Mena [Ilo-Ilo 1917 – Manila 2005]
Dakilang Guro Ng Filipino Arnis
12ème degré ceinture rouge
Master José Mena – Arnis Doblete Rapilon
Ile de Jolo, sud des Philippines, 1934.
Le combattant du sultan de Basilan se tient au milieu de l’arène, impassible. Un jeune homme entre à son tour dans le cercle de combat, ici les gens l’appelle « Datu Talim » …tranchant en Français ! Son regard est calme, il pense… « Ne rien montrer, ne rien lui laisser voir »… le jeune homme sait trop bien qu’il doit simplement prendre chaque seconde après l’autre.
La tension est intense : L’un des deux seulement en sortira vivant. La rumeur monte lentement lorsque l’on apporte les armes. La lame de chaque Barong, le sabre emblématique de Mindanao, a été préalablement trempée dans du venin de cobra. C’est bon pour le spectacle et pour les paris.
Le goût du sang, la présence de la mort. Le « combat de coqs » peut commencer.
Tout d’abord les deux hommes s’observent, ils tournent l’un autour de l’autre comme deux tigres prêts à fondre l’un sur l’autre. « …Ne pas se précipiter, prends ton temps »… la moindre erreur est fatale. Chaque combat remet tout en question, chaque combat est peut-être le dernier. Mais après tout, « Bahala na ! »
Soudain, le combattant de Mindanao se jette sur son jeune adversaire, plus petit que lui. Ce dernier évite de justesse la lame aiguisée du barong, puis bloque la seconde coupe avec une sombrada. Maintenant, le regard du jeune homme brille, une colère froide monte du bas de son échine.
Lentement, puis plus rapidement, Datu Talim commence à danser autour de son adversaire. Son barong en mouvement décrit des cercles; il attend le bon moment, son moment. La pression monte, le combattant de Mindanao veut en finir avec ce gamin, l’écraser comme une punaise et sortir. Il lance une attaque avec toute sa puissante et la claire intention de le couper en deux.
Dans une esquive millimétrée, Datu Talim accompagne la trajectoire du Barong avec le contre-tranchant de son sabre puis enchaîne instantanément avec une frappe remontante à la gorge. La technique est parfaite; simple, terriblement efficace. La volonté inexorable. La lourde lame du barong passe au travers du corps de son adversaire qui s’écroule sans un cri. Le jeune homme relaxe ses épaules : ce ne sera pas pour aujourd’hui.
Alors que la foule acclame son héros du jour, l’argent des paris passe de main en main. Les images tournent dans sa tête: son village à Ilo-Ilo, sa famille, ses amis. Depuis plusieurs mois il est devenu un combattant d’arène, prisonnier, forcé à combattre pour sa vie. Enlevé par des pirates Bajiao, il a été vendu au sultan, lequel a vite repéré ses qualités de guerrier. A chaque nouvelle lune, des combats sont organisés et tout est remis en question.
Le jeune homme s’appelle José Mena, il a 17 ans et il ne doit sa survie qu’à sa maîtrise de l’escrime Philippine: Arnis. Depuis l’age de 10 ans, son père le Professeur Patricio Mena lui a patiemment enseigné les techniques familiales d’Arnis ; au cas où un jour il en aurai besoin. Et ce jour est venu. Son système : Doblete Rapilon Arnis.
Pendant plus d’un an, José Mena devra affronter différents combattants dans des combats à mort. Il n’avait pas le choix, « do or die », combattre ou mourir comme il me dit avec un petit sourire.
De longues années plus tard, je lui demande comment il a pu survivre. « J’avais encore des choses à faire et ce n’était pas mon moment, c’est tout. »
Puis il rajoute d’un ton plus grave : « Tu le sais, je suis un chrétien et je n’aime pas tuer, mais ils ne m’ont guère donné le choix. »
Propos recueillis par Master Dani Faynot – Master Instructeur Arnis Doblete Rapilon
Cet homme est mon maître d’arme, mon professeur dans l’Art du Combat Philippins. Il fait parti d’une poignée de maîtres exceptionnels qui ont connu une époque où la vie d’un homme dépendait encore de sa capacité à combattre avec un Bolo. Antonio Ilustrisimo, Benjamin Lema, José Mena, les frères Canete, Hortensio Navales, José Vinas, Floro Villabrille, Felicisimo Dizon et quelques autres grands maîtres Philippins ont atteint un niveau d’expertise difficile à imaginer aujourd’hui.
L’art martial qu’ils pratiquent est au delà des styles ou des écoles. C’est un art de la survie, du combat total si besoin, Art de vie et d’amitié en temps de paix.
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