Quatrième article de la série consacrée à Mushin. Aujourd’hui je vous propose de découvrir les écrits de Léo Tamaki, expert en Aïkido, enseignant au Korindo Dojo, boulevard des Batignolles 75016 Paris. Il est également rédacteur en chef du magazine « Aikido – Spécial Dragon Magazine« .
Pour toi c’est quoi Mushin ?
Mushin est un terme japonais issu du zen, que l’on rencontre souvent dans le monde martial. L’expression originale est 無心の心 mushin no shin. 無 Mu signifie vide, et 心 Kokoro signifie cœur. Elle désigne un état de conscience où l’esprit est sans fixation.
Pour moi il est très difficile de parler de cet état, car il correspond à un stade de pratique avancé que j’estime ne pas encore avoir atteint. Tout au plus puis-je supposer que je m’en suis approché en de rares occasions.
Quel est son but ?
Lorsque l’on évoque mushin, on utilise souvent l’image d’un étang qui reflète la lune. Lorsque l’étang est calme, il reflète une image claire. Lorsqu’il est troublé, l’image est brouillée. Il en est de même pour l’esprit, qui ne peut percevoir avec justesse qu’apaisé et sans fixation.
Sans pensées ni émotions, nous devenons capable de percevoir et agir de façon adaptée. Attention toutefois, notre action ne pourra être que quelque chose dont nous sommes capables. Un moine ne pourra pas, par exemple désarmer un expert l’attaquant au sabre. Simplement l’état de mushin permet aux actions dont nous sommes capables, d’être réalisées de la façon la plus efficace, au moment le plus opportun. Les techniques jaillissent spontanément, et cela donne l’impression d’agir sans agir.
Il faut aussi noter que, de même que le relâchement est différent de la mollesse ou l’affaissement, mushin ne doit en aucun cas être confondu avec un assoupissement. Takuan Soho, maître de zen, évoque l’esprit flottant. Cette image me parle particulièrement dans la mesure où elle fait écho à un principe d’utilisation du corps que j’étudie, le corps flottant.
Comment atteindre cet état dans la pratique de l’Aïkido ?
Le paradoxe est que vouloir atteindre l’état de mushin crée une fixation qui empêche de l’atteindre. Dans le zen, on arrive à cet état principalement par la pratique de la posture assise, zazen. La pratique gratuite, sans objectif, peut alors avoir pour conséquence l’état de mushin.
Dans la pratique martiale, il est quelque part possible de « tromper » son esprit. Face à un pratiquant expérimenté de sabre par exemple, les qualités athlétiques ne permettent pas d’agir à temps. Seule la perception de l’intention, possible grâce à mushin, permet de le faire. La pratique est donc un outil très efficace, pour peu qu’on l’utilise avec sincérité, et permet pour le moins d’atteindre un certain type de mushin, sans le chercher particulièrement.
Comme je l’évoquais plus tôt, tout ça n’est que suppositions de ma part. Si j’ai développé une relative capacité de perception des intentions d’un adversaire, et que cela est lié à une forme de lâcher-prise, j’ai la conviction qu’il ne s’agit que d’un stade très grossier de la qualité d’être et de conscience qu’évoquent les grands adeptes de zen et de budo lorsqu’ils parlent de mushin.
Léo Tamaki
Je vous invite à suivre Léo Tamaki sur son site Budo No Nayami et de découvrir « Etudes sur Yokomen« .
- Mushin : l’esprit vide – Lionel Froidure
- Mushin + Karaté & Cancer – Christian Cabantous
- Mushin dans les arts chinois – Charles-Henri Belmonte
- Mushin et Serge Rebois
4 commentaires
Excellent sujet ..traité avec beaucoup de modestie ..merci Lionel de partager des recherches et tes intuitions ..sportivement et respectueusement
Cher Léo
En février 2014 j’était passé un samedi matin regarder le stage que tu dirigé à Grenoble…
C’ est avec une grande gentillesse que tu m’avais invité à étre sur le tatami assis .
j’ai eu en t’observant et écoutant un déclick intérieur sur ce que l’on nome l’instant présent…je ‘tai piqué aussi les exercices d’étirements du dos que tu effectué (un vol à l’ancienne…j’plaisante.)
Aujourd’hui dans ton article …C’est le therme kokoro qui me fait tilt…
Henry plée en avait parlé notament pour réussir une action avec visualisation et l’importance du hara ….Et il m’a semblé qu’il expliquait qu ‘une action juste réussie se située plus (peu etre) au niveau du cœur…Du coup je m’interroge sur ce fait (en am) le fait de développer le « cœur » (compassion bontée sincérité etc) aiderait peu etre à calmer voir éteindre le mental perturbateur d ‘action ? peut on vider l’esprit en activant ou en laissant agir le cœur ? dédé
Bonjour,
Merci pour ton sympathique message.
Comme indiqué dans l’article, je n’ai pas encore atteint le niveau où je me sens capable de m’exprimer avec certitude sur ce sujet.
Je pense qu’il est intéressant de travailler divers états, en développant sa bienveillance ou son agressivité par exemple. Mais je suppose que mushin est au-delà de cela…
Léo
Salut Léo
Les différentes approches de cet état sont avant tout culturelles.
Tous les individus du monde connaissent cet état et peuvent en faire l’expérience, au volant en évitant un obstacle, dans sa cuisine en rattrapant un objet qui tombe et plus fort encore en prenant une décision inconsciente, en faisant un choix , si cet objet est brûlant ou pas, notre cerveau va très vite…et pourtant personne ne nous a appris à faire cela et nous ne nous entraînons jamais à agir ainsi…ce n’est pas une chose que l’on apprend, cela fait parti du patrimoine de notre espèce c’est inné.
Là ou je te rejoins c’est sur le lâcher prise, cette volonté de tout contrôler, notre esprit, notre corps etc la volonté de contrôle absolue, c’est notre pire ennemi à mon sens dans les arts de combat.
Il faut juste accepter que dans l’action, dans le combat en générale, nous ne contrôlons pas tout il faut se faire confiance, et bien être conscient que ce geste « magique » sortit de nul part, ce kami waza existe hors de notre contrôle. Il n’y a rien a atteindre ni a apprendre. juste à laisser faire.
J’en parle dans cette petite vidéo filmée pendant l’un de mes stages à 3 minutes.
Amicalement.
Michel.
https://youtu.be/4hi4a0Ym1po