Lors du dernier passage de grade, j’ai dit à l’un de mes élèves de changer son « pyjama » blanc et d’investir dans un « vrai » et « bon » karate-gi.
Mais c’est quoi un « vrai » karate-gi ? Si l’on prend la définition de base, le « kim » est la tenue de karaté, en général de couleur blanche. Ni plus ni moins.
Pourquoi blanc ?
Le blanc correspondrait aux valeurs de la pureté, de la simplicité et de l’ouverture d’esprit. D’après les informations que j’ai, cette couleur blanche est apparue en judo sous l’impulsion de sensei Jigoro Kano autour de 1907. Le karate-gi aurait été développé à partir du judo-gi par sensei Gichin Funakoshi, lorsqu’il fit une démonstration de karaté au Kodokan de Tokyo. De nos jours, la tenue blanche permet d’effacer les traceurs sociaux. Tout le monde est à la même enseigne.
Un « bon » karate-gi ? Bon pour qui et pourquoi ?
Aujourd’hui, nous sommes sollicités par de nombreux équipementiers pour « parader » dans notre habit de lumière dernier cri, mettant au point de nouvelles coupes avec de nouveaux tissus ; nous poussant à avoir la bonne coupe, la bonne taille, les manches d’une certaine longueur, le pantalon s’arrêtant à un endroit précis, avec des aérations et des tissus respirants ; et nous poussant à devenir des fashion victims du karate-gi.
Moi et mes karate-gi
À la fin des années 80, j’ai eu mon premier « vrai » karate-gi, qui n’était pas juste une toile de premier prix en coton qui n’avait plus aucune forme après 10 lavages. J’avais un beau et claquant Kamikaze Europa. C’était la classe. Je me sentais moins étriqué que dans mon précédent keiko-gi, qui avait une veste qui descendait à peine en dessous de ma ceinture, et un pantalon très étroit et collant mes cuisses. Je tirais tout le temps sur le pantalon pour me permettre de lever les jambes ou bien fléchir mon Zen Kutsu Dachi. Passer à une coupe plus large fut un vrai régal. En plus, j’avais l’air d’un « vrai » karatéka dans cette nouvelle tenue. Je n’avais plus une tenue de débutant, mais celle d’un avancé. Ego quand tu nous tiens 🙁
Peu de temps après, j’ai mis un pantalon de Dobok (tenue de Tae Kwon Do), que l’équipementier à trois bandes avait fait pour les J.O. de Séoul. Celui-ci était léger, aussi souple qu’un pyjama. J’étais encore plus à l’aise. J’avais donc en bas un Dobok et en haut un Europa. Quel mélange 😉 Mais j’étais bien dedans, et rien ne me restreignait dans mes mouvements. J’ai appris à ne plus faire attention à ce que les autres pouvaient penser.
Mais quand j’ai passé ma ceinture noire, j’ai mis mon Kamikaze Europa. Le pantalon avait une coupe plus conventionnelle.
De nombreuses années plus tard, j’ai eu mon premier karate-gi dit pour le « combat ». Un karate-gi léger en bas et en haut. Les manches et le pantalon étaient longs. En combattant, je ne le sentais presque plus, c’était comme une seconde peau. Mais j’avais aussi le look de quelqu’un portant un pyjama.
J’en avais aussi un autre pour le kata : un Shureido. Coupe japonaise, épais et claquant. Cela convenait bien au kata. Pourquoi ? Cela mettait en valeur ma verticalité, ma technicité, et cela rajoutait l’effet d’avoir plus de « kimé » dans mes mouvements. Il claquait presque tout seul. Donc, avec la bonne intensité, il claquait bien plus. Et pour les compétitions katas, c’était le top.
Ce que je recherche aujourd’hui dans mon karate-gi, c’est d’être bien dedans. Il doit avant tout me permettre de me trouver et de me réaliser dans ma pratique.
A chacun sa tenue de karaté
Je pense qu’un débutant (jusqu’à la ceinture bleue) ne doit pas trop se soucier de sa tenue. Il est plus important (tout le temps d’ailleurs) de prendre soin de sa technicité que de sa garde-robe. Une tenue trouvée à Décathlon ou dans n’importe quel magasin d’arts martiaux fera l’affaire pour un débutant.
Quand on passe le Shodan, la ceinture noire, il est très important de faire bonne figure devant le jury. Il ne s’agirait pas d’arriver en face du jury avec un karate-gi jaunâtre, froissé et trop petit. Même si l’habit ne fait pas le karatéka, la tenue a un impact sur notre présentation générale, et donc sur la notation. Tout comme le fait d’arriver à un entretien d’embauche en short et en tee-shirt après 10 km de course. Non, on se met sur son 31 pour se montrer sous son meilleur jour. En karaté, c’est pareil. Un karate-gi de bonne qualité, repassé et blanc sera nécessaire pour se présenter à un grade.
On est tous pareils, on se sent bien dans certaines tenues, que l’on porterait tous les jours. Et dès que l’on change cette habitude, on se sent mal. C’est pour cela qu’il sera primordial de se procurer un bon karate-gi, au moins six mois avant le passage de grade. Cela laissera le temps de se l’approprier et de se sentir bien dedans.
Un « bon » karate-gi est cher !
Oui et non 😉
Oui, mettre 200 euros dans une tenue, cela fait cher. C’est 20 places de cinéma, 10 forfaits journaliers de ski, 5 restaurants… C’est 2 paires de chaussures de course à pied car on en change tous les ans si on court régulièrement. En même temps, une tenue de hockey de base coûtera trois fois plus cher. Rien que des bons gants, c’est plus de 50 euros. (J’ai une paire pour frapper les mains de mes élèves en Arnis Kali.) En danse, c’est 58 euros la paire de ballerines, qu’il faudra changer plusieurs fois dans l’année. Une paire de skis de qualité moyenne coûtera plus de 200 euros.
Oui, c’est un investissement, mais, à long terme, sauf si tu n’en prends pas soin. J’avais 19 ans lorsque je me suis payé mon premier karate-gi, et j’avais économisé pendant six mois pour me l’offrir.
1 karate-gi kata + 1 combat ?
Depuis toujours, j’aime les sports de glisse.
Quand je fais du snowboard, j’ai ma tenue chaude qui va me protéger du froid.
Quand je fais du surf, j’ai mon un short de bain et un rashguard, pour protéger mon torse (non velu) des irritations de la wax et des coups de soleil 😉
Mais ce n’est pas pareil Lionel !
C’est exactement pareil. Si je veux faire de la compétition combat, il me faudra un karate-gi ample et léger.
Si je veux faire de la compétition kata, il m’en faudra un ayant une veste longue, épais pour le claquant, ultra blanc, avec un pantalon et des manches coupés à la bonne longueur.
Et si je ne fais pas de compétition ?
Prends un karate-gi qui te permettra de tout faire. Je les appelle les karate-gi tout terrain. Ils sont amples, claquants, robustes, blancs, plutôt légers et ne gênent pas dans l’exécution des mouvements. J’ai rarement trouvé ce bon compromis, sauf dans le SEISHIN GI.
Ce n’est que mon avis, et chaque karatéka aura le sien propre sur le sujet. Je ne détiens pas LA vérité. Je sais ce que j’aime et ce que je n’aime pas, et donc ce que je veux et ce que je ne veux pas comme karate-gi pour mon karaté, ma pratique. L’important étant de trouver SON BONHEUR.
Pour être un pratiquant, il faut pratiquer. Alors, pratiquons.
L’avis de quelques karatékas
Avant de finaliser cet article, j’ai demandé aux karatékas abonnés à ma newsletter Karaté de me donner leur avis sur le sujet. Voici des extraits de ce qu’ils en pensent. Merci à eux d’avoir pris le temps de me répondre.
Je pense qu’avec le temps, on apprécie l’importance de la qualité du karate-gi. En effet, l’été, il est bien qu’il ne soit pas trop épais, trop chaud, car, en plus, avec la transpiration, il donne l’impression d’être plus lourd. Après, certains préfèrent qu’il ne soit pas trop léger pour qu’il claque un minimum sur le kimé. En fait, je pense que c’est lié à une vision personnelle du travail et des sensations que l’on a envie de développer par rapport à celui-ci. CHARLY
Si je pratiquais majoritairement le combat, je m’orienterais vers un karate-gi souple et bien ventilé, afin qu’il n’entrave en rien mes gestes et ma souplesse. Si je pratiquais davantage les katas, je pourrais m’orienter vers des karate-gi, un peu plus épais (qui « claquent »), ce qui me permettrait sans doute de mieux ressentir mon kimé (à condition d’en avoir). À mon sens, ce qui importe, c’est d’être bien dans son karate-gi, pour pouvoir l’oublier et se concentrer sur sa pratique. HERVÉ
J’utilise depuis cinq ans un karate-gi Décathlon, modèle Okayama, en coton lourd, assez indestructible, qui me convient très bien. Je n’investirais pas plus. Le karate-gi ne fait pas le karatéka. Ce karate-gi vieillit avec le bonhomme, et nous nous portons très bien tous les deux. Un modèle à 200 euros, non merci. Je n’ai pas les moyens. Il faut savoir raison garder. Je ne défends absolument pas les grandes surfaces, et leurs politiques commerciales désastreuses pour l’économie. J’évolue dans une société dont je ne maîtrise pas les paramètres, en simple citoyen lambda. J’essaie simplement de m’adapter, au mieux, ce qui est loin d’être évident. Ma réponse vaut ce qu’elle vaut. Karaté d’abord, karate-gi ensuite… DOMINIQUE
Quand j’ai commencé, en 1993, mon président vendait des Shureido. Du coup, j’en ai profité pour en prendre un et je n’ai jamais regretté mon choix. Je ne connais pas les karate-gi en toile souple des débutants, je n’en ai jamais eu. Dernièrement, j’ai acheté deux karate-gi, un combat (Adidas) et un technique (Shureido – dojo master – pour moi c’est le top). L’Adidas reste au placard même pendant les cours combats. J’ai l’impression, comme tu le dis dans une de tes vidéos, de porter un pyjama. ROMUALD
Pour moi, le karate-gi est comme une seconde peau ! Il est important de s’y sentir à l’aise, qu’il ne soit pas trop lourd. Surtout après 1 h 30 d’entraînement, avec la transpiration, on ne doit pas avoir l’impression de porter un fardeau ! Pas trop léger non plus, pour éviter qu’il ne se déchire lors des combats ou autres techniques. Les magasins spécialisés ont souvent de bons karate-gi à proposer en fonction de notre utilisation. Pour résumer : quand on a trouvé son bonheur, on le garde très longtemps ! DAVID
Il ne doit pas être une entrave au mouvement ni un outil d’illusion (tissus qui « claquent »). Il faut savoir ce qui est important pour le pratiquant… Faire un défilé de mode ou être sur la voie, même « nue ». Ce n’est pas l’armure qui fait le chevalier, ni l’habit qui fait le moine… mais l’être humain à l’intérieur. Alors, oui, le choix du karate-gi, pour moi, est important, dans la mesure où il n’est pas un fardeau lors de l’entraînement, mais une seconde peau… MICHEL
Le karate-gi est la seconde peau des combattants de karaté. Il doit être léger et robuste à la fois. FERRAN
La qualité d’un karate-gi est importante, car, avec des bas de gamme, les coutures ne sont pas belles, le matériel est pourri, les attaches du costume ne sont pas toujours à la bonne place. J’ai même déjà vu des pantalons qui collaient sur les cuisses quand la température corporelle augmentait, et aussi lors de pratiques simples. KENT
Il me semble que c’est la tenue idéale pour pratiquer « confortablement » notre art martial. Mais un art martial, quel qu’il soit, ne se pratique pas forcément dans le confort. STEPHAN
À mes débuts, le choix de mon karate-gi était primordial, mais pour une mauvaise raison. Je le choisissais en fonction du regard des autres. L’image que je renvoyais dans ma tenue prenait une place importante au détriment de mon entraînement. Quelques karate-gi plus tard, je me suis aperçu que mes préférés étaient en réalité les plus usés et les moins esthétiques. Le regard des autres n’est plus important. Seul compte l’entraînement. MATTHIEU
Et toi, quel es ton avis ? Avons-nous besoin de se préoccuper d’avoir un bon karate-gi ? Avons nous besoin d’avoir plusieurs keiko-gi ?
2 commentaires
Article très intéressant, qui m’a fait découvrir l’importance du choix du karate gi. merci !
Avec plaisir Jo.
Vous avez de superbes T-shirt dans votre magasin !
A bientôt
Lionel