Les katas ont un but bien précis, et celui-ci est débattu par de très nombreux pratiquants et experts à travers le monde. Pour certains, les katas sont des exercices permettant d’entretenir notre corps, de développer de la stabilité, de la coordination, etc. Pour d’autres, ils ne sont plus du tout au goût du jour, et il vaudrait mieux ne plus du tout en faire et se concentrer uniquement sur du sparring, sur le combat. D’autres encore pensent qu’ils constituent des pratiques physiques permettant une méditation active destinée à développer notre esprit. On entend aussi très souvent que les katas sont « des combats imaginaires contre des adversaires » ou « des combats contre des adversaires imaginaires ».
Je pense, et cela n’engage que moi, que les katas sont des livres contenant des techniques, des tactiques, prêtes à être étudiées, analysées, décodées, décortiquées et appliquées.
Les katas sont juste des outils prêts à être utilisés dans des situations de combat. Oui, ils sont des répertoires de techniques créées et testées par les anciens sensei, transmis de génération en génération pour nous aider à combattre plus efficacement aujourd’hui. C’est à travers la répétition de cette routine corporelle que l’on va polir notre corps et affûter notre esprit.
« Pratiquer le kata est une chose, se livrer à un vrai combat en une autre. » 18e précepte de Gichin Funakoshi 船越 義珍
Doit-on pour autant penser que le kata est un univers, et le combat un autre ?
Bien sûr que non.
Il faut savoir mettre en lumière, en application, les techniques et tactiques expliquées dans les katas. Mais, pour cela, il faut l’adapter. Aucune technique de kata ne sera efficace dans un réel combat si celle-ci n’est pas adaptée à la situation de conflit. Pour cela, je dois m’entraîner à pratiquer mon bunkai de façon « réaliste ».
La pratique du kata va nous permettre de développer des capacités physiques et techniques : avoir un alignement postural correct, réduire les tensions, apprendre à bien respirer, avoir des mouvements fluides et puissants, coordonner nos mouvements, avoir une bonne connaissance de notre corps, mais aussi intégrer des principes de combat, appréhender des enchaînements et des tactiques, et les automatiser pour pouvoir les ressortir en situation de combat.
La pratique seule ne permettra jamais d’appliquer en combat cet enchaînement si on n’y ajoute pas la notion de distance et de timing. C’est en reprenant ces enchaînements dans le bunkai, en y incorporant ces données supplémentaires, que l’on pourra réellement atteindre l’efficacité cachée dans les katas.
Le kata n’est donc qu’un outil pour apprendre à se défendre. Mais encore faut-il savoir s’en servir.
Si vous voulez faire un trou dans un mur de briques pour y placer une cheville et y installer un cadre photo, vous devez utiliser une perceuse et non pas un marteau. Le marteau est un outil efficace, mais pas dans cette situation. La perceuse est bien plus appropriée. Mais si vous prenez une mèche trop grosse, le trou réalisé sera trop large pour que votre cheville tienne. Avoir un outil est une chose ; savoir correctement s’en servir en est une autre.
Le kata est l’un des outils du karaté pour apprendre les enchaînements et tactiques tout en développant des qualités physiques et humaines.
Tous les katas ont une fonction bien spécifique : celle de transmettre un savoir (des principes). Ce savoir ne s’arrête pas à de la gestuelle, mais intègre des concepts, des principes et des points clés bien particuliers. Sans cela, le kata n’a pas de fonction et il ne sert donc à rien. Prenons l’exemple de Hangetsu. La fonction de ce kata serait de transmettre un savoir sur l’approche du combat à courte distance avec la position Hangetsu Dachi, l’approfondissement de la respiration, avec notamment l’introduction de Ibuki, que l’on retrouve dans de nombreux katas comme Sachin, Tensho, Seishan, etc. En Shotokan, il est le seul à mettre en avant ce travail de respiration profonde. Ce kata a une fonction bien précise et il doit transmettre ces principes et points clés aux pratiquants.
Le kata est un outil et non une finalité. Tout comme le Kihon, le Ippon Kumite, le Bunkai, le Renzoku Bunkai, les Henka, etc.
Le kata est une carte détaillée
Si je désire aller au sommet du mont Fuji-San, il me faudra pour y arriver :
- être en bonne condition physique et avoir les qualités techniques requises (kihon) ;
- avoir en ma possession une carte pour naviguer à travers tous les obstacles qui m’attendent (kata) ;
- vivre cette expérience avec un binôme (bunkai).
Posséder une carte ne fait pas de moi un montagnard. Le fait d’avoir une bonne condition physique ne fait pas de moi un montagnard. Le fait d’être avec un binôme en forêt ne fait pas de moi un montagnard. J’ai besoin de tout cela pour réussir.
On a donc besoin du Kihon pour nous préparer physiquement et techniquement. On a besoin du kata pour nous guider, pour nous permettre de comprendre quels sont les enchaînements et tactiques que l’on doit mettre en place. Et, pour finir, on a besoin de le vivre, de mettre à l’épreuve ces enchaînements que l’on a faits dans le vide pendant de nombreuses heures, de voir comment on arrive à adapter les principes acquis. Et, pour arriver au sommet, il faut avant tout décider d’y aller ; et ensuite, d’utiliser les meilleurs outils pour y arriver.
7 commentaires
Excellent moyen de transmission des techniques codifiées. Effectivement, à l’heure de la 3D nous pourrions abandonner les katas, mais l’on apprend pas dans un livre ou sur un ordi à combattre. La pratique régulière des katas est une source inépuisable de savoir .cependant, comme le Makiwara ou le sac , le Kata a lui seul est insuffisant . Conclusion: si vous voulez être pratiquant ,pratiquez…n’est pas Lionel ….
Tout à fait Franck 🙂 Merci pour le partage.
A bientôt
J’ai toujours entendu que les kata permettent de transmettre des techniques qui finiraient par se perdre avec le temps
Au vo co truyen, il y a les quyens. C’est la même chose, cela permet de travailler individuellement et techniquement.
Effectivement Gilles,
Je parle de kata dans mon article mais je pourrais aussi bien lire à la place : Quyen, Taolu, Poomse, etc. Merci pour la lecture et à bientôt
Le Kata est bien plus qu’un outil de l’Art Martial !… c’est un enchainement corporel qui nous permet de faire jaillir en nous toute notre âme à travers une recherche constante du perfectionnement technique. On peut oublier ce que l’on a appris oralement, mais l’on ne peut pas oublier ce Kata, … ce Tao, … ou cette série d’enchainements qu’il nous faut répéter sans cesse, inlassablement, et ce, jusqu’à la fin de notre vie de Pratiquant. Je n’ai d’assurance que par ce qu’il y a de vrai en moi !… et ce vrai me vient dans cet affrontement gestuel et mental, face à chaque difficulté, … à chaque détail, de ce Kata ou Tao. Mes élèves sont heureux de partir en ce début d’été, car ils emportent avec eux cet enchainement corporel qui donnera un sens plus sublime et plus profond dans l’exécution de leur Kata ou Tao Martial pour s’unir gestuellement à tout l’univers.
Au fil des années le Kata m’as donné le sens du mouvement. Je l’ai fait sur toutes les vitesses, j’ai cherché profondement dans ma memoire des repéres pour ne pas dévier. Il y a aussi une forme de meditation et de prise de l’espace très interresante.