J’ai le grand plaisir de vous proposer une vidéo avec Hanshi Roland Hernaez. Dans celle-ci, il va revenir sur l’histoire du l’école Nihon Tai Jitsu.
Propos recueillis lors de l’ouverture du stage célébrant les 60 ans du Nihon Tai Jitsu. D’ailleurs, si vous ne l’avez pas vu : regardez la vidéo anniversaire de ce grand stage qui c’est déroulé à INSEP en juin 2017.
Sensei parle des rencontres importantes de sa vie de budoka qui ont contribué à la naissance du Nihon Tai Jitsu. Il est évident qu’il a oublié des détails, des histoires. Cette vidéo ne se veut pas être un historique strict mais plus le d’une grande partie de l’histoire du NTJ aux élèves présent au stage.
Désolé pour le son qui n’est pas d’une grande qualité. La soufflerie/chauffage de l’INSEP fait beaucoup de bruit 🙁
Retranscription de la vidéo : Histoire du Nihon Tai Jitsu
Histoire du Nihon Taï-Jitsu
Je pense qu’il est quand même indispensable, ne serait-ce que pour ceux qui ne sont pas trop habitués, qui sont encore dans le début de notre discipline, de savoir au point de vue historique un petit peu l’évolution de ce qui s’est passé depuis une soixantaine d’années, 60 ans exactement.
Je crois que cela évitera aussi, à certains d’entre vous, de faire des confusions ; il y a tellement de trucs bizarres, aberrants même, qui ont été écrits, qu’il est quand même important que la vérité soit exactement mise en place.
Le premier qui nous a enseigné le Taï-Jitsu en France, c’était Jim ALCHEIK qui était – il faut le savoir, l’histoire est là, il faut savoir de A à Z ce qui s’est passé – un personnage qui avait passé 4 années au Japon chez le Maître Minoru MOCHIZUKI qu’il avait rencontré en Tunisie.
Jim ALCHEIK était un juif tunisien, qui a eu quelques déboires dans des bagarres de rue, où il avait sérieusement blessé un agresseur et il s’est dit : « il faut que j’étudie une méthode de travail qui correspondrait à peu près à s’assurer soi-même de la propre sécurité ». Alors, lorsque Jim a vu Minoru MOCHIZUKI travailler, il a été absolument enthousiasmé et il l’a suivi au Japon où, je vous le disais, il a passé 4 années de sa vie, dans le dojo du Maître Minoru MOCHIZUKI.
Lorsqu’il est revenu en France, c’était à la fin des années 56, à cette époque-là j’étais jeune ceinture noire de Judo et j’avais un ami, qui était aussi un excellent judoka -qui est malheureusement décédé il y a quelques temps-, Henry PLÉE qui, on peut dire, a été le père du Karaté en France et je dirai même en Europe.
Alors, après un randori mémorable où j’avais souvent joué le « ventilateur » parce que c’était un excellent judoka, il était 4ème dan à l’époque, donc on était assis tranquillement au repos et là il m’a proposé de découvrir le Karaté et de découvrir en parallèle le Taï-Jitsu, puisque son ami Jim ALCHEIK revenait du Japon. C’est comme ça que ça s’est passé. Donc en parallèle, entre le Karaté et le Taï-Jitsu, j’ai commencé la pratique, tout en continuant bien sûr le Judo.
Il faut dire que sur le plan idée de recherche self-défense, à l’époque j’aimais beaucoup travailler le Ju-Jitsu, j’avais travaillé aussi beaucoup avec le Maître KAWAISHI, mais en ce qui concerne le Ju-Jitsu, cela m’avait laissé un petit peu sceptique parce qu’en 1954, en tant que militaire, j’ai fait un stage de quelques mois à Antibes, qui était en même temps une école de sports de combat et une école de formation des cadres en éducation physique militaire, et je me suis aperçu qu’en réalité, beaucoup de choses -je parle en Ju-Jitsu- que j’avais apprises, en réalité, contre un adversaire qui avait l’intention d’être très méchant, ne passaient pas et donc qu’il fallait travailler autre chose.
À l’époque, pour vous donner une idée très précise, vous étiez attaqué, c’était toujours une défense frontale avec des mouvements qui, actuellement, sont aberrants pour la plupart d’entre vous parce qu’illogiques, mais à l’époque c’est ce qu’on avait appris.
Par exemple, prenons le cas : l’adversaire vous attaque avec un poignard et croyez-moi, les commandos à Antibes ce n’étaient pas des enfants de cœur !
Alors attaque avec un poignard, bloquer l’attaque, ensuite bloquer l’attaque, retourner le bras pour le faire chuter … Donc si l’autre qui est un commando ou même pas, qui est animé de l’idée de tuer, vous attaque et si vous vous défendez comme ça, vous pouvez être sûr d’être mort, vous êtes tué dans les secondes qui suivent !
Alors, il y a beaucoup de choses, mais c’est une des choses qui m’avait frappé le plus et quand j’ai découvert le Taï-Jitsu, il y avait beaucoup de travail sur les effacements puisqu’il y avait derrière l’école du Maître Minoru MOCHIZUKI qui était un personnage absolument exceptionnel dans tout un tas de disciplines du Budo. Donc découvrir ce qui était vraiment la raison d’être, autrement dit savoir esquiver, savoir sortir d’une attaque, c’était la base même du Taï-Jitsu.
Alors, il faut dire que le Taï-Jitsu n’était qu’un ensemble de techniques, que vous connaissez tous puisque ce sont des techniques telles que nous les travaillons, le problème c’est qu’il n’y avait pas de classification.
Autant le Maître MOCHIZUKI, qui était un judoka remarquable, avait fait continuer la progression du Kodokan, autant il avait transformé l’Aïkido parce qu’il n’était pas tout à fait d’accord avec Morihei UESHIBA et il en avait fait une méthode qui tenait debout, qui était très pertinente et qui était surtout basée sur l’Aïki-Jitsu. En Taï-Jitsu, vous appreniez des techniques, il n’y avait aucun moyen d’avancer dans les choses parce que c’était très disparate et parfois un peu confus.
Donc j’ai travaillé cela, je suis devenu un des assistants du Maître ALCHEIK, en particulier dans la partie Taï-Jitsu où je le remplaçais souvent et puis, après sa mort … Il faut savoir qu’il était -ce que nous ignorions tous à l’époque- une « barbouze » ; pour ceux qui ne le savent pas, à l’époque les « barbouzes » -même s’ils ne n’étaient pas barbus- étaient des agents secrets. Le Général DE GAULLE avait créé ce mouvement des barbouzes qui était destiné à lutter contre l’OAS, l’OAS étant le groupement de ceux qui voulaient défendre jusqu’au bout l’Algérie pour qu’elle reste française. Ça, c’est la parenthèse historique !
Jim ALCHEIK avait été désigné par le Président DE GAULLE pour former un groupe de gens pour l’Algérie, pour combattre l’OAS, non pas combattre les algériens, qu’on soit bien d’accord, mais combattre l’OAS. Et puis il faut savoir qu’avec tout un groupe que je connaissais bien, parce que souvent ils s’entraînaient ensemble, ce groupe s’est retrouvé avec une imprimerie à Alger, à la villa Andrea exactement et au moment où ils ont tout ouvert pour déballer le matériel, tout a explosé et il n’y a pas eu un seul survivant, ils étaient 17, les 17 ont disparu, évaporés dans la nature.
Alors, après la mort de Jim ALCHEIK, il fallait faire quelque chose. Moi, avec un groupe, j’ai voulu reprendre les choses en main, travailler, on a fondé une association qui s’appelait « Budo Academy », j’ai mis sur pied une méthode de travail et ensuite, le temps passant, j’ai créé -il faut rendre à César ce qui est à César !- en 1972 la première fédération, qui s’appelait Fédération française de Taï-Jitsu.
Quelques années après, Jacques DELCOURT, qui était le Président de la Fédération de Karaté a voulu, a souhaité que nous rentrions comme première discipline affinitaire, première discipline associée au Karaté et j’ai signé un protocole d’accord en 1977.
Puis le temps ayant passé, on est retourné plusieurs fois au Japon, on a travaillé souvent au Japon et en 1985, avec 39 de mes élèves et assistants, nous avons fait un périple avec tout un tas de stages au Japon, dont un de 15 jours chez le maître Minoru MOCHIZUKI et à notre insu, il avait invité tout un aréopage de hauts gradés dans différents Budos.
Je possède bien entendu tous ces documents, photos et documents signés.
Ils nous ont demandé de faire une démonstration de ce que l’on considérait comme notre méthode de travail, ça a duré quelques heures, vous vous en doutez et les japonais étaient extrêmement attentifs. Lorsque nous avons eu terminé, chacun participant dans un domaine à quelque chose, dans les katas ou dans les démonstrations techniques, etc., les japonais se sont réunis et une demi-heure après, ils nous ont annoncé qu’ils trouvaient que ce que nous faisions était tout à fait dans l’esprit de ce que souhaitaient les Budokas. Je vous rappelle qu’il y avait des judokas dans cet aréopage japonais ; il y avait des judokas, des karatékas, pas mal d’aïkodokas et beaucoup de gens qui pratiquaient dans les écoles de Ju-Jitsu, ce qui existe toujours d’ailleurs, le Nihon Ju-Jitsu.
Et ils nous ont dit : « voilà, ce que nous souhaitons, c’est que le système que vous travaillez, qui est tout à fait dans l’esprit de ce que nous faisons au Japon, tout au moins dans l’esprit, même si ce n’est pas tout à fait dans la technique, nous souhaitons que vous appeliez votre discipline Nihon Taï-Jitsu »
Voilà donc comment a été officialisé en 1985 et ça a été confirmé par les documents en 1987, deux ans après- le système, avec l’appui des Maîtres japonais.
Un commentaire
Récit enrichissant. C’est toujours bénéfique pour les nouveaux pratiquants de connaître non seulement les personnes qui ont fondé la discipline mais aussi leurs motivations. Ainsi on a en plus de la culture du Budo, une vision d’ensemble.
Je suis Cameroun et nouveau dans la pratique du Nihon Tai Jitsu. Cette discipline est nouvelle au pays. Nous formons l’AS.CNTJ (L’association Sportive Camerounaise de Nihon Tai Jitsu) sous la direction de maître NDEMA BIBOUM JOEL.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt cet article merci.